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La clause résolutoire : la résiliation automatique du bail !

Bail commercial

Les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire.

Introduction :

En application du Code civil, le locataire est débiteur, à l’égard du bailleur, de diverses obligations contractuelles. En cas de manquement de sa part, le bailleur dispose de 3 modes de résolution du contrat (C. civ. art. 1224). La résolution peut ainsi résulter : de l’application d’une clause résolutoire intégrée dans le contrat (résolution conventionnelle), d’une notification spontanée et unilatérale du créancier au débiteur en cas d’inexécution suffisamment grave (résolution unilatérale) ou encore d’une décision de justice (résolution judiciaire). La résolution unilatérale et la résolution judiciaire sont soumises à une condition de gravité suffisante de l’inexécution du locataire. La clause résolutoire, à l’inverse, a un effet automatique, dès lors que les conditions prévues au contrat sont réunies.

Attention : il est important de distinguer la résolution, la nullité et la résiliation. La nullité relève de la validité du contrat dont les conditions sont prévues à l’article 1128 du Code civil (cf. Article – Zoom sur le statut des baux commerciaux) et sanctionne une irrégularité du contrat au stade de sa formation, tandis que la résolution sanctionne l’inexécution des obligations contractuelles postérieurement à la formation de l’acte. La nullité et résolution sont marquées par leur caractère rétroactif impliquant une restitution des prestations reçues pendant la durée du contrat (ex. résolution du contrat de vente avec restitution de la chose vendue et du prix), ce qui semble difficilement envisageable dans le cadre d’un contrat de bail (jouissance du local, paiement des loyers, etc.). La résiliation quant à elle n’emporte pas de rétroactivité. Elle met fin au contrat et à ses effets sur l’avenir. La résiliation porte quant à elle sur les contrats à exécution successive tels que le contrat de travail, le contrat de bail, etc. La résiliation peut être conventionnelle ou unilatérale (cf. Article – Résiliation triennale du bail commercial) et elle peut être prévue par les textes ou par le contrat.

En immobilier d’entreprise, il est d’usage d’insérer dans le bail commercial une clause résolutoire. Mais de quoi s’agit-il ?

La clause résolutoire est un outil contractuel d’ordre public prévu par le statut (C. com. art. L 145-41) prévoyant la résiliation de plein droit du bail en cas de manquement du locataire à l’une de ses obligations contractuelles (exemples : défaut de paiement d’un seul terme de loyer, usage de l’immeuble contraire à sa destination, dégradation des locaux, etc.). Par ailleurs, le juge joue un rôle prépondérant dans la mise en œuvre de la clause résolutoire.

La mise en œuvre de la clause résolutoire impose certaines conditions :

1- Infraction commise par le locataire :

L’article L 145-41 du Code de commerce est applicable à toutes les infractions au bail commises par le locataire à une double condition :

  1. Que son obligation soit expressément visée dans le bail ;
  2. Que la clause résolutoire sanctionne contractuellement l’infraction.

2- Commandement visant la clause résolutoire :

Afin de mettre en œuvre la clause résolutoire, le bailleur doit délivrer au locataire, par acte extrajudiciaire, un commandement lui faisant connaître les infractions qui lui sont reprochées et l’informant de la volonté du bailleur d’invoquer la clause résolutoire s’il n’exécute pas ses obligations dans le délai imparti (C. com. art. L 145-41, al. 1).

3- Persistance de l’infraction pendant plus d’un mois :

La résiliation de plein droit du bail ne peut intervenir qu’un mois au moins après le commandement d’exécuter demeuré infructueux (Cass. 3e civ. 29-9-2010 n° 09-13.922 FS-PB : RJDA 2/11 n° 117). Charge au bailleur de rapporter la preuve de la persistance de l’infraction du locataire après l’expiration du délai de mise en demeure.

4- Bonne foi du bailleur dans la mise en œuvre de la clause résolutoire :

Il est utile de rappeler que l’article 1104 du Code civil stipule que les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Ainsi, est sanctionnable la clause résolutoire mise en œuvre de mauvaise foi par le bailleur. La recherche de la bonne ou mauvaise foi du bailleur est appréciée souverainement par les juges du fond.

5- Renonciation du bailleur au bénéfice de la clause résolutoire :

En insérant dans la clause résolutoire la mention « si bon semble au bailleur », celui-ci se réserve le droit de ne pas invoquer la clause résolutoire ou bien d’y renoncer après avoir manifesté son intention de s’en prévaloir (Cass. soc. 13-3-1958 n° 1-574 : Bull. civ. IV n° 377), tant que le locataire n’a pas exprimé sa volonté d’accepter la résiliation. La renonciation ne se présume pas et implique au bailleur de manifester son intention de façon non équivoque.

Au total, il est d’usage d’insérer dans un bail commercial une clause résolutoire. Mais le locataire doit être vigilant, car en cas de manquement de sa part et lorsque le bailleur actionne valablement la clause, le contrat de bail commercial sera résilié par anticipation de plein droit. Le locataire devient vulnérable car l’usage de cette clause n’est pas subordonné à la démonstration « d’une inexécution suffisamment grave » de sa part, tel est le cas de la résolution judiciaire ou unilatérale. À l’inverse, la clause résolutoire a pour effet de limiter les pouvoirs du juge dont l’appréciation se limite seulement au contrôle des conditions de mise en œuvre de la clause.

Recommandation : consultez votre avocat ou votre notaire qui vous assistera dans la rédaction et la gestion de votre bail commercial.

Publié le 18 mai 2022 par Pierre Fuchs