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Le réemploi des matériaux de construction : une pratique vertueuse mais risquée

Environnement

Le réemploi des matériaux de construction présente à la fois des avantages environnementaux et économiques mais également de nombreux freins

En 2022, les activités du bâtiment ont généré en France 46 millions de tonnes (Mt) de déchets, (cf. article – Les déchets de la construction). Par ailleurs, 56% de l’impact carbone d’un bâtiment sur sa durée de vie complète provient de ses matériaux, selon le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) car ces derniers émettent des GES lors de leur processus de fabrication, de transport, et de traitement en tant que déchet.

A titre d’exemple, la totalité du gisement de béton de démolition du bâtiment disponible en France en 2020 s’élève à 17 Mt. Éliminer cette quantité de béton émet 459.000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère : à titre de comparaison, cela correspond aux émissions annuelles de la ville de Belfort (40.000 habitants).

Dans ce contexte, l’État a développé divers outils afin de maximiser la valorisation des déchets tel que : la Responsabilité Élargie du Producteur (REP), L’Analyse du Cycle de Vie (ACV) qui est utilisée comme méthode de calcul pour la RE 2020.

Désormais l’État entend intensifier le réemploi des matériaux.

L’article 3,13°du Code de l’environnement définit le réemploi des matériaux de construction comme un ensemble de pratiques consistant à « utiliser de nouveau des matériaux ou éléments de construction issus de déconstructions pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ».

Le réemploi des matériaux de construction procure bien des avantages :

  • Réduction de l’emprunte carbone du bâtiment à construire car ce dernier ne sera pas composé de matériaux neufs carbonés, mais plutôt de matériaux de seconde main issus d’une déconstruction sélective d’autres bâtiments ;
  • Réduction de la production de déchets du bâtiment : « le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas ! » ;
  • Réduction du coût de revient de l’opération grâce à l’achat de matériaux et produits de construction d’occasion, moins onéreux ;
  • En cas de rénovation ou démolition du bâtiment, les revenus issus de la vente de matériaux à réemployer permettent de réduire le coût de l’opération ;
  • Création d’une filière économique du réemploi des matériaux de construction et renforcement des compétences techniques et architecturales permettant d’accroître la proportion des matériaux biosourcés dans les programmes neufs ou restructurés.

Attention : il est important d’avoir à l’esprit qu’en cas de démolition ou rénovation d’un immeuble, le réemploi des matériaux nécessite de déconstruire ledit bâtiment afin d’extraire de manière sélective ses matériaux. Cette opération impose d’acquérir une connaissance précise des matériaux et des éléments de construction qui composent le bâtiment et d’estimer leur potentiel de réemploi.

C’est l’objectif du diagnostic ressources, document non réglementaire qui identifie, quantifie, localise et caractérise les matériaux au potentiel de réemploi présents dans le bâtiment à démolir ou à rénover. Cet outil non obligatoire, contrairement au Diagnostic PEMD, est un outil d’aide à la décision pour la maîtrise d’ouvrage.

Par ailleurs, les matériaux de réemploi ne sont actuellement pas encore disponibles sur le marché selon les mêmes modalités que les matériaux neufs, mais avec le déploiement de cette méthode la disponibilité des produits devrait s’accroître dans le temps.

En cas de vente des produits et matériaux de seconde main, des fiches techniques décrivant chaque type de matériau et éléments de construction et détaillant leurs caractéristiques doivent être jointes. Ces fiches doivent contenir un maximum d’informations qualitatives et quantitatives afin de pouvoir caractériser les matériaux en vue de leur future mise en œuvre.

Cependant, malgré ses atouts, le réemploi des matériaux reste minoritaire face à l’ensemble des déchets générés par l’industrie de la construction en France. La rareté des produits issus du réemploi sur le marché, le risque technique et la réglementation freinent le développement de cette pratique, notamment en termes de normes techniques, d’assurabilité des procédés constructifs et des ouvrages livrés, ainsi que l’obtention d’avis positifs de la part des bureaux de contrôles.

Au total, le réemploi des matériaux est une pratique innovante présentant des vertus environnementales et des avantages économiques, cependant celle-ci n’est pas encore suffisamment déployée car il demeure encore des freins et risques dissuadant les maîtres d’ouvrages d’intégrer dans leurs constructions neuves des matériaux réemployés.

Recommandation : consultez votre architecte qui vous conseillera sur l’usage de matériaux réemployés

Publié le 22 septembre 2023 par Pierre FUCHS