Le développement des outils informatiques et le passage au « tout numérique » est-il compatible avec la préservation de l’environnement ?
La digitalisation des données est par définition un processus qui consiste à transformer des informations physiques ou analogiques en données numériques qui seront stockées et traitées par des outils informatiques. Bien que ce processus présente de nombreux avantages dans notre vie quotidienne (facilitation de l’accès, du partage, de l’analyse et de la valorisation des données), ce dernier apporte aussi certaines problématiques.
Selon l’Etat, à l’horizon 2050, si aucune mesure n’est prise pour limiter la croissance des usages du numérique, son empreinte carbone pourrait tripler, passant ainsi de 10 à 30 millions de tonnes de CO2. En ce qui concerne la consommation d’électricité liée au numérique, elle pourrait être multipliée par deux, quid de son approvisionnement ?
Au cours des dix dernières années, le volume de données numériques créées ou répliquées à l’échelle mondiale a été multiplié par plus de 30, en effet, nous sommes passés de 2 zettaoctets en 2010 à 64 zettaoctets en 2020 (un zettaoctet équivaut à un milliard de téraoctets, soit mille milliards de gigaoctets). Satista, dans leur étude du 22 août 2023, estime que les données générées dans le monde devraient passer à 150 zettaoctet en 2025 et 2 000 à l’horizon 2035.
L’accord de Paris entré en vigueur le 4 novembre 2016 a pour objectif de limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous du seuil des 1,5°C d’ici la fin du siècle par rapport à le décennie précédente. Par rapport à ce seuil, 612 zettaoctets correspondent à plus de 15% de la somme totale des Gaz à Effet de Serre que l’on pourra émettre en 2030 pour rester en dessous de ce seuil.
Concernant l’empreinte du numérique, cette dernière est répartie entre trois grandes familles qui sont les équipements (79 %), les centres de données aka datacenters (16 %) et les réseaux (5%). Il est important de noter que c’est la fabrication des équipements qui représente 80% de leur empreinte carbone contre 20% pour leur utilisation à cause de leur consommation d’électricité.
Afin de mesurer et limiter l’impact du numérique sur l’environnement, certains projets ont vu le jour tels que :
- Le projet CODECARBON qui a pour objectif de mesurer la consommation énergétique mondiale et son empreinte carbone puis de proposer des améliorations pour optimiser leurs infrastructures de stockage ;
- Le projet NegaOctet qui vise à développer une méthodologie et un outil d’évaluation pour mesurer et réduire de manière significative l’impact environnemental des services numériques sur l’ensemble de leur cycle de vie, à l’échelle mondiale.
Un autre élément important du numérique sont les datacenters qui produisent de la chaleur et qui doivent être refroidis. Il est estimé que 30 à 50 % de leur consommation totale d’énergie est allouée à leurs systèmes de refroidissements. Au lieu de perdre cette énergie, de nouvelles applications commencent à naître afin de la récupérer et le réutiliser intelligemment.
Ainsi, un nouveau concept nommé chaudière numérique propose un principe simple qui est de récupérer la chaleur dite « fatale » des datacenters et à la mettre à disposition des bâtiments afin de répondre à leurs besoins en chauffage et en refroidissement dans le but de réduire nos consommations.
La première réalisation de grande envergure en France a été le Val d’Europe à Bailly-Romainvilliers (77), à proximité de Disneyland Paris. La chaleur, issue du refroidissement d’un datacenter de 8 000 m² situé à quelques centaines de mètres d’une centrale d’énergie et d’un réseau de chaleur exploité par Dalkia, est récupérée par deux échangeurs. Les échangeurs permettent d’injecter de l’eau à une température de 48°C dans le réseau. Une puissance thermique maximale de 7,8 MW peut être obtenue à partir du datacenter, en utilisant au besoin une centrale au gaz naturel. Un centre aquatique et les bâtiments d’un parc d’entreprises bénéficient de la chaleur générée par ce datacenter. Dans le but de réduire les pertes, ce centre aquatique a été établi en face de la centrale d’énergie. Grâce à la correspondance entre la chaleur récupérable dans le datacenter et la demande thermique de la ZAC, cette récupération est économiquement viable en sus d’être vertueuse.
Au total, bien que le numérique trouve 80% de son impact carbone dans la fabrication, il est possible de tirer parti de ses effets néfastes afin d’en faire profiter les besoins des bâtiments.
Recommandation : rapprochez-vous d’un conseiller en efficacité énergétique ou d’un architecte qui vous accompagnera dans vos démarches.