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Déspécialisation plénière du bail commercial : un processus clair dans un contexte parfois nébuleux

Bail commercial

Quelles sont les conditions de la déspécialisation plénière du bail commercial ?

Dans le cadre d’un bail commercial, l’article 1728 du Code Civil stipule que le locataire est tenu « d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail ». Ainsi, en immobilier d’entreprise, les parties déterminent par voie contractuelle la destination du bail et le locataire doit nécessairement obtenir l’accord préalable et exprès de son bailleur s’il souhaite exploiter le bâtiment d’activité pour une destination autre que celle prévue au bail (cf. article – Étendue de la clause de destination du bail).

En cas de refus de celui-ci, le locataire pourra recourir à la procédure de déspécialisation prévue aux articles L.145-47 et suivants du Code de Commerce. S’il souhaite changer totalement d’activité ou adjoindre à son activité actuelle une activité sans caractère connexe ou complémentaire, il devra engager la procédure de déspécialisation plénière, dès lors que les 3 conditions cumulatives de l’article L. 145-48 du Code de Commerce définies ci-dessous sont respectées :

  1. Une évolution de la conjoncture économique, telle qu’une crise économique affectant la branche d’activité du locataire. Les résultats financiers du locataire ou le caractère peu rentable de la profession qu’il exerce peuvent être pris en considération au regard de la conjoncture économique ;
  2. Une organisation rationnelle de la distribution. Cette condition concerne le commerce. Le locataire doit démontrer que son modèle économique ne correspond plus aux besoins de la clientèle et que la nouvelle activité présenterait un intérêt pour celle-ci ;
  3. Les activités envisagées par le locataire doivent être compatibles avec la destination, les caractéristiques et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier dans lequel est situé le bâtiment d’activité. Lorsque celui-ci est situé dans un immeuble en copropriété, le locataire doit s’assurer que l’activité envisagée n’est pas interdite par le règlement de copropriété.

Les conditions relatives à la conjoncture économique et à l’organisation rationnelle de la distribution sont cumulatives (Cass. 3e civ. 18-3-1980 n° 78-13.905) et il appartient aux juges du fond de décider souverainement si ces conditions économiques, qui restent assez floues, sont réunies (Cass. 3e civ. 18-3-1980 précité).

Au total, ces 3 conditions doivent nécessairement être remplies de façon cumulative pour que le locataire puisse engager la déspécialisation plénière de son bail et exercer sa nouvelle activité dans le local qu’il occupe.

Après avoir rempli ces conditions, le locataire doit préalablement demander une autorisation, par exploit d’huissier ou LRAR à son bailleur en indiquant la nature de l’activité envisagée à peine de nullité (C. com. L 145-49, al 1). La procédure de demande de déspécialisation plénière et les effets qu’elle emporte donneront lieu à un prochain article de blog.

Le locataire d’un bâtiment d’activité doit donc être vigilant face à l’accomplissement de ces conditions, car toute extension de la destination des lieux réalisée sans l’accord préalable du bailleur ou du tribunal constitue un manquement du locataire à ses obligations contractuelles. En cas de manquement, le locataire s’expose à plusieurs sanctions infligées par son bailleur (cf. Article – Maintien de la destination du local).

Recommandation : consultez votre avocat ou votre notaire qui vous assistera dans la rédaction et la gestion de votre bail commercial.

Publié le 28 avril 2022 par Pierre Fuchs