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Le Pas-de-porte : un sujet périlleux

Bail commercial

Une mauvaise rédaction de la clause du pas-de-porte dans le bail peut emporter de lourdes conséquences entre les parties, notamment financières.

En immobilier d’entreprise, il est fréquent lorsqu’une entreprise désire occuper un local dit prime (premium) que le propriétaire exige de cette dernière le versement d’un pas-de-porte (ou droit d’entrée) lors de son entrée dans les lieux. Cette somme versée en une ou plusieurs fois par le locataire à la conclusion du bail, reste définitivement acquise au bailleur selon sa qualification juridique.

Attention : le pas-de-porte ne doit pas être confondu avec le prix de cession du bail (aussi appelé droit au bail) que le locataire cessionnaire verse à l’ancien locataire (cf. article – La cession du bail commercial : une alternative pour le locataire).

Le pas-de-porte peut être analysé de 2 façons juridiques distinctes par les tribunaux :

1. Comme un supplément de loyer payé d’avance (Cass. com. 29-3-1966 n° 64-11.104) : ce supplément versé au bailleur en une ou plusieurs fractions est destiné à compenser la différence entre le loyer qui sera perçu tout au long du bail (et lors de ses renouvellements), et le loyer qui résulterait du marché (cf. article – Obligation du locataire de payer le loyer).

2. Comme la contrepartie d’éléments de nature diverse, assimilable à une indemnité (Cass. com. 14-11-1962 n° 759) : ces éléments peuvent être de nature commerciale sans rapport avec le loyer (ex : local situé dans une rue de centre-ville très passante, à fort potentiel commercial). Le pas-de-porte peut aussi être la contrepartie de la dépréciation de l’immeuble résultant des droits que le statut des baux commerciaux accorde au locataire, en particulier droit au renouvellement ou à indemnité d’éviction.

En cas de litige entre les parties, les juges du fond jouent un rôle concernant la qualification juridique de ce pas-de-porte. Il leur appartient de rechercher la commune intention des parties pour apprécier la nature juridique du pas-de-porte.

Pour déterminer la commune intention des parties, les tribunaux se fondent sur certains critères caractérisant le pas-de-porte, tels que le fractionnement du paiement du prix permettant de qualifier le pas-de-porte de supplément de loyer, ou encore la stipulation selon laquelle le pas-de-porte restera en totalité acquis au bailleur en qualité d’indemnité.

Les parties doivent être vigilantes car la qualification juridique du pas-de-porte (supplément de loyer ou indemnité) peut avoir d’importantes conséquences sur le bail commercial. En effet, lorsque le pas-de-porte est qualifié de supplément de loyer, il est pris en considération pour le calcul du loyer lors de la révision du bail commercial, qu’elle soit annuelle (clause d’échelle mobile ou d’indexation) ou triennale, et de son calcul lors du renouvellement du bail.

La nature juridique du pas-de-porte (supplément de loyer ou indemnité) a également des incidences lors de l’appréciation de la valeur locative :

  • Lorsque le pas-de-porte est versé par un sous-locataire et constitue un supplément du loyer, il doit être pris en compte pour calculer la majoration du loyer de la location principale (cf. article – Les effets de la sous-location) ;
  • Lorsqu’il constitue un supplément de loyer, le pas-de-porte produit des intérêts comme les loyers payés d’avance (cf. article – Le dépôt de garantie) ;
  • Lorsqu’il s’analyse en une indemnité compensatrice d’avantages commerciaux, il reste acquis au propriétaire en cas de résiliation du bail, sauf convention contraire (Cass. 3e civ. 14-11-1978 n° 77-13.543). En revanche, s’il est considéré comme un supplément de loyer et si le locataire l’a versé intégralement lors de son entrée dans les lieux, il peut, en cas de résiliation, donner lieu à un remboursement en fonction du temps d’occupation des locaux restant à courir.

Ainsi, au regard de la double nature juridique du pas-de-porte, les parties au bail doivent apporter la plus grande attention lors de sa rédaction dans le bail et veiller à exprimer clairement leur commune intention. Le conseiller immobilier et/ou le notaire doivent attirer l’attention de leurs clients sur ce point lors de la rédaction du bail et leur responsabilité peut être engagée.

Au total, le pas-de-porte est une somme en capital qui peut rester définitivement acquise au bailleur sous conditions, et qui est versée, en une ou plusieurs fois, par le locataire lors de son entrée dans les lieux. Les parties doivent être vigilantes quant à sa qualification juridique dans le bail, lors de sa rédaction, car celle-ci emporte plusieurs conséquences.

Recommandation : consultez votre avocat ou votre notaire qui vous assistera dans la rédaction et la gestion de votre bail commercial.

Publié le 27 décembre 2022 par Pierre FUCHS